C’est notre cause commune à toutes et tous : ENSEMBLE CONTRE LES VIOLENCES POLICIÈRES ET LEUR IMPUNITÉ ! "La loi est censée être mon serviteur et non mon maître, encore moins mon bourreau et mon assassin!" -- (James Baldwin - Reportage en territoire occupé - The Nation. 11 juillet 1966....) “LA MORT D’ADAMA TRAORÉ NOUS CONCERNE TOUS" Quel est le point commun entre Michael Brown (États-Unis, 2014) et Adama Traoré (France, 2016), ou entre Mark Duggan (Grande-Bretagne, 2011) et Théo Luhaka (France, 2017)? Ils ont subi la même violence policière, celle qui frappe quotidiennement les minorités raciales et les classes populaires dans la plupart des pays occidentaux. Pour lutter contre ces injustices trop souvent invisibles dans l'espace public, nous tentons de sensibiliser l'opinion publique à travers la collecte de signatures inédites et surprenantes. Nous avons écrit ce texte suite à la mort de Adama Traoré, mais la cause concerne aussi toutes les victimes que nous ne citons pas. Ce texte a été publié une première fois en France, mais nous ne voulons pas nous arrêter là, nous aimerions que cette liste de signatures devienne internationale afin de créer un réel rapport de force. Cet appel a été rédigé et les premières signatures collectées avant l’horreur de l’agression policière subie par Théo Luhaka, à Aulnay-sous-Bois, qui rappelle que les violences des forces de l’ordre de sont pas des faits isolés. Nous artistes, sportifs-tives, comédien-nes, écrivain-es considérons que la mort d’Adama Traoré n’engage pas seulement ses proches mais l’ensemble de notre pays, de notre société. Cet été, à Beaumont-sur-Oise, un jeune Français est mort entre les mains des forces de l’ordre, le jour de ses 24 ans. Et, depuis six mois, ce qui aurait pu n’être qu’une énième « bavure » meurtrière illustre jour après jour l’impunité de certains gendarmes et policiers en France, telle qu’elle est depuis longtemps dénoncée par les organisations des quartiers populaires et les comités de soutien aux victimes, et par Amnesty International depuis 2009. Ce 19 juillet 2016, Adama Traoré tente d’échapper à un contrôle d’identité parce qu’il n’avait pas ses papiers sur lui et qu’il connaissait la violence susceptible d’en découler. Interpellé, Adama est plaqué et maintenu au sol par trois gendarmes qui pèsent de tout leur poids sur son corps. Les militaires notent qu’Adama se plaint de ne pas pouvoir respirer, ils l’embarquent dans leur fourgon où il perd connaissance. Plutôt que de le transporter à l’hôpital, ils poursuivent leur route vers la gendarmerie. Ce 19 juillet 2016, vers 17 h 45, Adama Traoré disparaît entre les mains des forces de l’ordre. Selon la version officielle, les pompiers constatent le décès d’Adama à 19h05. Mais rien n’est dit à la famille. Ayant entendu dire qu’Adama « a fait une crise », ses proches contactent les hôpitaux pour rechercher sa trace. En vain. Aux alentours de 21 heures, c’est par un appel aux pompiers qu’ils apprennent que le jeune homme est retenu à la gendarmerie. Oumou Traoré, la mère d’Adama, vient alors demander des nouvelles de son fils à la caserne, où on lui répond qu’« il va très bien ». Elle attend donc sur place, avec ses proches. Jusqu’à 23h30, quand les gendarmes annonceront la mort d’Adama. Soit quatre heures et demie après le constat officiel du décès. Les suites de cette mort suspecte nous interrogent : déclarations contradictoires des autorités, tentatives de salir la mémoire de la victime, dissimulation de son corps, escamotage des rapports médicaux, mensonges des forces de l’ordre, pressions sur la famille, intimidations des habitants… Les pouvoirs publics ont manifesté une partialité constante pour éclipser les actes qui ont conduit à la mort d’Adama. Jusqu’au procureur de la juridiction qui évoque « une infection très grave », un « malaise cardiaque » et la présence d’alcool et de cannabis dans le sang d’Adama pour justifier son décès. Autant d’affirmations qui seront démenties par les expertises médico-légales. Le tout afin d’occulter les circonstances réelles de la mort d’Adama Traoré à ses proches, comme aux médias et à l’opinion publique. Cependant, après qu’il a été démontré qu’Adama a succombé après une asphyxie, après que le procureur qui a systématiquement « oublié » d’évoquer cette cause probable de la mort à la famille et aux journalistes a été muté et que l’instruction de l’affaire a été dépaysée à Paris, nous assistons à un acharnement constant des autorités contre une famille dont la détermination, soutenue par la solidarité des habitants de leur quartier, a permis de mettre à jour les contrevérités officielles. Depuis le premier jour, la maire de la ville n’a cessé d’entraver les sollicitations de la famille. Refus d’autoriser une marche blanche au lendemain de la tragédie, obstruction aux demandes d’entretien de la mère et des frères et sœurs d’Adama, absence de visite sur place et, après chaque manifestation de soutien, extinction de l’éclairage public nocturne dans le quartier (situation propice à toutes les provocations et dégradations) : on est loin d’une recherche d’apaisement. Enfin, après avoir partagé, sur sa page Facebook, un appel à la violence armée des « citoyens de souche » pour « venir en aide à nos pauvres policiers », la maire a menacé de porter plainte en diffamation contre Assa Traoré – la sœur de la victime, devenue porte-parole de la famille – qui avait dénoncé ce parti-pris. Du côté de l’État, malgré les mensonges avérés, le ministre de l’Intérieur n’a jamais eu un mot, ne serait-ce que de compassion, à l’égard de la famille. Interpellé par un député à l’Assemblée nationale, il refuse même de prononcer le nom d’Adama Traoré ; tandis qu’il assure les gendarmes et la maire de Beaumont de son appui plein et entier. Mépris, esprit de revanche et parti-pris aveugle, c’est donc le message que les pouvoirs publics renvoient depuis six mois à la famille et aux habitants de Beaumont qui ont manifesté massivement leur solidarité. Finalement organisée, la marche blanche réclamant vérité et justice pour Adama
a rassemblé plusieurs milliers de personnes. Une mobilisation sans précédent dans cette commune paisible de 9 600 habitants, derrière une famille qui ne réclame aucun privilège, aucune exception mais exige la stricte application du droit républicain : la vérité sur la mort d’une victime quand la violence des force de l’ordre est en cause et la mise en examen de ceux qui en sont responsables. C’est pour cela que l’affaire Adama Traoré est l’affaire de tous : pour affirmer et défendre l’égalité des droits. C’est cette exigence élémentaire que nous, artistes, sportifs, comédiens, écrivains partageons et relayons. Nous refusons que les habitants des quartiers populaires qui sont quotidiennement frappés par la violence économique et la violence raciste soient également abandonnés à l’insécurité, aux mensonges, à une culture de l’excuse permanente des excès des forces de l’ordre et au jeu dangereux des politiques qui tentent de monter les citoyens les uns contre les autres. Nous refusons qu’une part croissante de la population française soit abandonnée par la République, et nous réclamons la plus stricte impartialité des pouvoirs publics quand les garants de l’ordre outrepassent les lois. « C’est une affaire d’État », selon Assa Traoré et nous sommes également convaincus que c’est toute notre société qui se salit, si elle se tait et détourne le regard. Et nous avec si nous ne réagissons pas. Le 2 février dernier, à Paris, des rappeurs donnaient à Paris un concert de soutien Justice pour Adama. Ce même jour, Théo Luhaka, 22 ans, subissait la barbarie de l’agression policière qui révolte aujourd’hui le pays. C’est pourquoi nous appelons, par une convergence de toutes nos sensibilités et dans un élan solidaire, à soutenir l’exigence de vérité et de justice pour Adama, de justice pour Théo, comme pour toutes les victimes des violences des forces de l’ordre. C’est notre cause commune à toutes et tous : ensemble contre les violences policières et leur impunité !